De magnitude 8,3, Titan est visible dans les plus modestes instruments d’astronomie.
Titan par Cassini.
Photocomposition mêlant vue de l’atmosphère et du sol. JPL/NASA.
Caractéristiques
Paramètres orbitaux:
Distance moyenne au Soleil : 9,55 UA soit 1430 millions de km.
Distance moyenne de Saturne (demi-grand axe de l’orbite) : 1221850 km
Révolution autour de Saturne en 15 jours 22 h 41 mn (sens direct). Titan présente la même face à Saturne pendant toute sa révolution (comme la Lune pour la Terre) , donc un “jour” sur Titan dure 15 j 22h 41 mn (confirmé par Lemmon & al., université de l’Arizona). Les travaux de Richardson &al. (2004) donnent une période de rotation de 15.9458 +/- 0.0016 jours, à comparer avec une période orbitale de 15.945421 +/- 0.000005 jours.
Inclinaison orbitale par rapport à l’équateur de Saturne: 0,33° (Saturne elle-même est inclinée de 2° 30′ sur l’écliptique)
Existence de 2 saisons de 7,5 ans
Excentricité : 0.03
Vitesse orbitale moyenne: 5,6 km/s
Tourne autour du Soleil en 29 ans et 167 j.
Paramètres physiques:
Diamètre : 5150 Km soit 1/24 du diamètre de Saturne. C’est le plus gros satellite de saturne, n°2 du système solaire, derrière Ganymède, satellite de Jupiter. Titan est donc plus gros que la planète Mercure (4847 km).
Superficie: 83 millions de km2 (2 fois l’Asie).
Masse: 1,35 x 1026 g soit 2 masses lunaires
Densité : 1,8
Atmosphère : oui (N2 et quelques % CH4).
Pression atmosphérique : 1,6 Bar
Température moyenne près de la surface: – 180 °C
Vitesse de libération: 2,65 km/s
Gravité au sol: 14 % de la gravité terrestre.
Albédo : 0,21
Flux énergétique solaire à la surface (Terre 1400 W/m2): 1 à 2 W/m2
Absence de champ magnétique détecté à ce jour.
L”atmosphère de Titan se profile sur le limbe du satellite. Photo JPL/NASA
Historique
En mars 1655, l’astronome et opticien néerlandais Christiaan Huygens, découvre Titan en observant Saturne, dont il découvre aussi les anneaux. Huygens détermine la période de révolution (temps pour boucler une orbite autour de Saturne) de Titan (15 jours 22h et 41 min 11s). Huygens publia ses découvertes en 1659, dans son livre systema Saturnum.
C’est W. Herschel qui baptise en 1789 les 7 satellites de Saturne connus à son époque en s’inspirant des noms des Titans de la mythologie. Par la suite, les astronomes accordèrent plus d’importance à l’étude de Saturne qu’à ces satellites. Toutefois, en 1905, JC Solà suspecte l’existence d’une atmosphère épaisse sur Titan en se basant sur les différences d’intensité lumineuse entre le centre brillant et les bords plus sombres du satellite.
Sir Jeans, en 1925, montrera que la gravité de Titan est insuffisante pour retenir une épaisse atmosphère, à moins que cette dernière ne soit à très basse température (ou renouvelée régulièrement). Il calcule une température nécessairement comprise entre – 213 et – 173 °C. Il faudra attendre 1944 pour que G. Kuiper obtienne la signature spectrale du méthane et propose que la couleur orangée du satellite provienne des interactions entre la surface et l’atmosphère.
En 1961, A. Dollfus essaie de cartographier le satellite à l’aide du télescope de 60 cm du pic du Midi. La même année, des travaux de photométrie, précisés en 1973 vont démontrer l’existence d’une atmosphère bien plus épaisse que ne le croyait les astronomes pour laquelle C. Sagan, dès 1971, prédit l’existence de molécules organiques complexes.
Le 3 septembre 1979, la sonde Pioneer 11 transmet les premiers clichés, indistincts, montrant une boule orangée. Voyager 1, en novembre 1980, va révolutionner les connaissances sur le satellite, confirmant pour l’essentiel les travaux de D. Hunten, qui, en se basant sur des réflexions radar, proposait une épaisse atmosphère (20 bars de pression au sol) composée à 90 % d’azote et d’hydrogène moléculaire, donnant une température au sol de -70°C et conduisant à de nombreuses réactions chimiques comparables à celles ayant eu lieu dans l’atmosphère primitive de la Terre.
Les spectromètres de la sonde voyager permirent d’affiner grandement l’étude de la composition atmosphérique de la haute atmosphère: de 82 à 94 % d’azote, environ 8% de méthane ainsi que de de l’argon. Des molécules organiques impliquées dans différents modèles de chimie prébiotique, comme le cyanogène et le cyanure d’hydrogène, ont aussi été détectés, ainsi que des alcanes comme l’éthane et le propane, des nitriles et des traces de vapeur d’eau.
Le 3 juillet 1989, L’occultation de l’étoile 28 Sgr par Titan permit d’obtenir de nouvelles données sur son atmosphère et de confirmer l’existence de changements saisonniers de son aspect et, peut-être, de sa composition.
Vers 1990, l’atmosphère de Titan était relativement bien connue et il était évident qu’elle était le siège d’une chimie organique complexe. Par contre, la surface du satellite restait terra incognita, malgré des essais de cartographie au sol (qui ne deviendront concluant qu’avec l’avènement des télescopes géants et de l’optique adaptative, après 2000).
Seule une mission scientifique de longue durée, et l’assolissage d’une sonde à la surface de ce satellite à la chimie très particulière, ayant pu conserver les caractéristiques de l’atmosphère terrestre primitive à l’époque de l’apparition de la vie, devait permettre d’en apprendre davantage. Ce sont les informations de cette mission, Cassini, qui ont permis (et permettent encore) de découvrir un monde à la complexité insoupçonnée.
Atmosphère
L’atmosphère de Titan constitue un système très complexe, d’une épaisseur de 1600 km, et sa très basse température permet à des espèces chimiques de se maintenir “hors équilibre”.
Elle est composée principalement d’azote et de méthane, dont la teneur passe de 1,5 % seulement en altitude à 5 % près du sol.
Les différentes strates composant l”atmosphère apparaissent clairement sur ce cliché. Photo JPL/NASA.
Les relations entre la photochimie, les aérosols et la dynamique atmosphérique sont très mal connues. Ainsi, des synthèses organiques aboutissent à des composés variés, les « tholins », constitués d’un mélange de molécules organiques impliquées dans différents modèles de chimie prébiotique, comme le cyanogène et le cyanure d’hydrogène, des alcanes, comme l’éthane et le propane, des nitriles et des traces de vapeur d’eau .
Comme les gaz détectés ne sauraient expliquer l’aspect brumeux et opaque de l’atmosphère, on en déduit l’existence de molécules bien plus complexes. On peut supposer qu’elles se forment dans la haute atmosphère (200 km d’altitude, – 100 °C) grâce à l’énergie des divers rayonnements solaires, à l’influence de la magnétosphère de Saturne et aux ions Mg d’origine météoritique. En effet, cet ion intervient sous forme de radical MgNC dans la formation de nombreuses molécules organiques, lesquelles sédimenteraient ensuite sur le sol de Titan. Auparavant, elles forment dans l’atmosphère un aérosol de particules de 0,3 mm qui contribue à masquer la surface de Titan.
Des modèles mettent en évidence des effets saisonniers ainsi que des mouvements atmosphériques complexes qui sont très dépendants de la composition chimique exacte de l’atmosphère (y compris à basse altitude). Des observations d’occultations stellaires indiquent que les vents de haute altitude (courants jets) atteindraient des vitesses maximums vers 60° de latitude N (230 ± 20 m/s soit 830 km/h!) alors que leur intensité serait “minimale” au niveau équatorial (110 ± 40 m/s soit 400 km/h). Un transfert saisonnier ( une saison dure 7 ans sur Titan) des brumes a été mis en évidence entre les deux hémisphères.
Les modèles atmosphériques laissent penser que ces complexes nuageux perdurent 25 années avant de disparaître 4 à 5 ans, puis de se reformer au niveau de l’autre pôle du satellite. L’occultation des étoiles spica et Shaula a également permis d’identifier dans l’atmosphère de Titan, entre 450 et 1600 km d’altitude, de l’acétylène, de l’éthylène, de l’éthane, du diacétylène et du cyanure d’hydrogène. Ces hydrocarbures, ainsi que les nitriles, sont formés par la dissociation UV de N2 et par l’impact d’électrons venant de la magnétosphère Saturnienne.
Cassini a montré l’existence de nuages transitoires ainsi qu’une structure plurilaminaire de l’atmosphère. Les observations du décalage Doppler des signaux de la sonde Huygens confirment une vitesse des vents dans la haute atmosphère atteignant 400 km/h. Cependant, la plupart des vents de haute altitude ont une vitesse de l’ordre de 120 à 130 km/h, vitesse qui s’annule vers 80 km d’altitude (où la température atteint un maximum). Près du sol, les vents soufflent à une vitesse modérée. L’atmosphère est donc plus calme que les modèles ne le prévoyaient.
La dynamique des vents sur Titan n’est pas gouvernée majoritairement par les inégalités de répartition du rayonnement solaire (comme sur Terre) mais plutôt par l’influence gravitationnelle de Saturne, qui exerce sur cette atmosphère des effets de marée 400 fois supérieurs à ceux exercés par la Lune sur notre planète.
Les mesures du rapport 15N/14N effectuées en octobre 2004 montrent que l’atmosphère de Titan est plus riche en isotopes lourds de l’azote que celle des autres atmosphères du système solaire. Cet enrichissement s’explique par la perte préférentielle des atomes d’azote les plus légers (14N) au cours de l’histoire du satellite. Cela signifie que l’atmosphère de Titan a été, dans le passé, bien plus épaisse et qu’elle s’est, au cours de l’histoire du satellite, évadée dans l’espace.
Voyager avait indiqué que le taux de CH4 variait à la surface de 6% à l’équateur à 2% au niveau polaire. Les meilleures mesures donnent, vers 1000 km d’altitude, une teneur de 1,6 ± 0,5 %. Le CO, à la même altitude, est présent au taux de 4,5 ± 1,5 x 10-5 (et perdure 1 milliard d’années – il devrait rester constant dans l’atmosphère car, contrairement à CH4, il ne se condense pas.)
Haute atmosphère
La stratopause a été localisée à 310 km d’altitude (186 K, plus froide pendant l’hiver), avec des vents à 160 m/s. Un courant-jet, détecté dès 1989, autour de 60° lat N, possède une vitesse comprise entre 175 et 220m/s (soit 630 et 790 km/h !)
Des modifications importantes de la dynamique atmosphérique sont causées par les saisons. Ainsi, alors que les concentrations en molécules organiques mesurées par voyager, au printemps, étaient 10 à 100 fois plus élevées dans les régions polaires qu’à l’équateur, ce n’est plus le cas aujourd’hui, alors que l’hémisphère N est en hiver. Les autres composantes de la haute atmosphère ne montrent pas de changements significatifs depuis les mesures de Voyager 1 réalisées il y a 25 ans.
Mesures isotopiques entre 3000 et 1174 km d’altitude
Elles montrent l’existence à haute altitude (1200 km) de composés carbonés et de nitriles. CH4 entre 2,2 et 2,7 % (1200 km). Les rapports 15N/14N indiquent une perte d’azote comprise entre 1,7 et 10 fois la quantité actuelle présente dans l’atmosphère. Toutefois, l’incertitude est encore grande sur ces valeurs qui demandent des mesures complémentaires. En tout état de cause, on doit considérer que, dans le passé, l’atmosphère de Titan était au moins 50% plus dense qu’actuellement. La marge d’erreur des données actuelles est telle qu’elle permet d’envisager une atmosphère primitive de 2 à 100 fois plus épaisse que l’actuelle !
L’origine interne du méthane est confirmée. Ce gaz se décompose dans la haute atmosphère par photodissociation, comme le montre le taux de H2 provenant de cette molécule. Le taux de dissociation serait de 5 x 1027 molécules/s, donnant un temps de séjour du CH4 atmosphérique de 50 millions d’années.
Un enrichissement en 12C est aussi noté, (12/13 de 95,6 ± 01 où 93.8 ± 1,9 selon les méthodes de mesure alors qu’il est sur la Terre de 89,01 ± 0,38). Sur notre planète, 10 % de cet enrichissement sont causés par une activité biologique. Sur Titan un effet biologique est considéré peu probable et cet enrichissement pourrait provenir des conditions physiques régnant à la surface, et mettant le CH4 au voisinage de son point triple (comme l’eau sur Terre): les isotopes lourds resteraient plutôt dans une phase liquide ou solide, expliquant le déficit de la phase gazeuse analysé dans l’atmosphère. Toutefois, les chercheurs reconnaissent que cette situation n’est pas claire, et que de nouvelles mesures, réalisées avec d’autres instruments de Cassini, sont nécessaires.
Les mesures de la quantité d’un isotope de l’Argon, le 40Ar, conduisent à penser que l’azote de Titan ne provient pas du dégazage de clathrates mais d’ammoniac (ou d’hydrates d’ammoniac) présent dès la formation de saturne, secondairement converti en azote par photochimie et/ou action des hautes températures causées par des chocs météoritiques (je rajouterais une autre possibilité, ici occultée; l’action de micro-organismes profonds effectuant la réaction NH3 -> N2, bien que la plupart, sur Terre, catalysent la réaction inverse).
Dans la revue Science du 13 janvier 2006, Rannou & al. proposent un modèle décrivant la dynamique de l’atmosphère de Titan, et plus particulièrement les différents nuages que l’on peut y observer, comme par exemple le nuage géant (méthane et éthane) de 2400 km de diamètre qui s’étendait du pôle jusqu’a 60° de latitude N le 29 décembre 2006, où il a été imagé par Cassini. Il en ressort que l’atmosphère de Titan présente de nombreux points communs avec celle de la Terre, le cycle de l’eau étant remplacé par celui du méthane. On distingue des nuages isolés, à évolution rapide (quelques heures) localisés à des latitudes moyennes (40°S), et de grandes formations analogues à des tempêtes, perdurant plusieurs semaines et caractéristiques des régions polaires.
Au-delà des couches proches de la surface, la troposphère est modelée par des processus de type radiatif plutôt que par des courants de convection. Toutefois, les nuages des latitudes moyennes se forment au sommet d’une mince couche convective, au niveau des zones ascendantes de l’atmosphère. Ce sont les molécules issues de l’activité photochimique de la haute atmosphère qui, se condensant et retombant vers la surface, fournissent les supports nécessaires à la condensation de méthane sous forme de gouttelettes à l’origine des nuages observés. D’après l’équipe de Rannou,l’atmosphère de Titan serait structurée par deux cellules de Hadley (cylindres convectifs) de taille différente, s’étendant sur environ 60° de latitude; et par deux autres cellules, plus petites et déformées, dans les régions polaires (ce qui revient à supposer l’existence d’une épaisse couche nuageuse de méthane au niveau du pôle N). La circulation atmosphérique provoquerait un transport du méthane des régions tropicales vers les pôles, où des pluies de méthane seraient fréquentes. Les pluies seraient en fait de véritables tempêtes, car la quantité de liquide produite par l’atmosphère de Titan serait 50 fois supérieure à celle disponible sur Terre, ceci allié à une convection 2000 fois moins forte que sur notre planète… Ces précipitations catastrophiques pourraient expliquer l’érosion visible sur les vues de la surface transmises par Cassini/Huygens
Huygens a pu analyser l’atmosphère à la surface de Titan. Document JPL/NASA.
L’atmosphère de Titan ne contient quasiment pas d’oxygène, ce dernier étant présent seulement sous forme de monoxyde de carbone CO. Comme ce gaz s’échappe de l’atmosphère bien plus vite qu’il n’est produit, sa présence implique soit l’existence d’un “réservoir “de grande capacité (un océan riche en méthane) soit une origine récente, volcanique ou cométaire.
La disponibilité de l’oxygène, même en faible quantité, peut toutefois aussi conduire à la présence de molécules comme C2H4O (oxyde d’éthylène ou oxyrane).
Interactions entre l”atmosphère et la surface
Expérimentalement, il est apparu que les molécules organiques formées dans la haute atmosphère ne sont pas, pour la plupart, solubles dans les hydrocarbures liquides (McDonald & al., 1994) : ils doivent donc former des dépôts concentrés dans les deltas des coulées d’hydrocarbures qui peuvent parcourir ce satellite.
Par contre, une fraction non négligeable de molécules tholiniques azotées, comportant de 10 à 50 atomes de C, est soluble dans l’eau et pourrait y avoir été incorporée et transformée à l’occasion d’impacts météoritiques. Ces impacts ont pu, à l’instar de la Lune, recouvrir le sol de Titan d’une couche pulvérulente de débris, le régolite, pouvant atteindre 1 km d’épaisseur et constituant un “piège à fluide” idéal.
Des simulations (Artemieva & Lunine, 2003) montrent que ces impacts peuvent avoir pour conséquence la liquéfaction d’une quantité appréciable (2 à 5% du volume du cratère) du sol de Titan, riche en glace d’eau. Le milieu liquide emplissant le fond du cratère d’impact peut mettre plusieurs centaines d’années avant de refroidir, permettant ainsi que se déroulent de nombreuses réactions d’hydrolyse des composés azotés insaturés, qui peuvent alors former des molécules prébiotiques complexes susceptibles d’êtres conservées lorsque la température redevient normale… jusqu’à la prochaine fusion partielle
Une surface énigmatique
La surface de Titan, souvent embrumée, est plongée dans une pénombre permanente: 1/1000 éme de la quantité de lumière frappant la surface de la Terre constitue le plein midi sur Titan (ce qui représente 300 fois, tout de même, la lueur d’une pleine Lune sur notre planète…). Les particules (quelques dizaines /ml) présentes dans l’atmosphère diffusent la lumière solaire, créant une vague luminosité rougeâtre.
La densité de Titan indique qu’il contient, comme les autres satellites de Saturne, de la glace d’eau en quantité, dont une partie est exposée à la surface du satellite (Griffith & al., 2003), ce qui implique l’existence de phénomènes d’érosion des dépôts atmosphériques ainsi que l’existence de marques d’impacts récents.
Certains modèles décrivaient Titan comme un corps non différencié, mais sa taille plaide en faveur d’une structure concentrique comportant un noyau de silicates surmonté de couches comportant une fraction appréciable de glaces (H2O, NH3 et CH4) mélangés à de la roche.
A la surface se trouvent aussi les dépôts de tholine, composée principalement de molécules de formule CxHyNz (Sarker & al., 2003), dont C11H15N6, par exemple. Ces molécules ont une taille pouvant avoisiner les 800 Daltons (une unité de “masse” des molécules, à titre d’exemple CH3 “pèse” 15 Dalton) et comportent de nombreuses molécules d’azotes insaturées, donc potentiellement très réactives si elles sont mises au contact de l’eau.
Une histoire agitée
Titan s’est formé par accrétion dans un milieu éloigné du soleil, riche en substances volatiles telles que H2O, NH3 et CH4. Le méthane s’est essentiellement incorporé à l’intérieur du satellite sous forme de clathrates (Lunine & al., 1987). Après l’accrétion, Titan était un monde chaud (250°C – Lunine, 1985) nanti d’une très épaisse atmosphère de N2, H2O et CH4, endogène ou formée par bombardement cométaire, et soumis à de fréquents apports météoritiques qui en ont dispersé une grande partie. Ces chocs ont réchauffé l’intérieur du satellite, facilitant la différenciation interne et la libération des gaz des roches qui ont pu contribuer ainsi à la formation d’une atmosphère secondaire.
À la surface du satellite, et durant 100 millions d’années, un océan d’eau enrichi en ammoniac a pu exister, à une température voisine de 30 °C, dans un milieu riche en sources d’énergie.
Toutefois, le refroidissement progressif était inévitable et 70 millions d’années plus tard une couche de glace de plusieurs km d’épaisseur recouvrait l’océan primordial, qui serait resté liquide en profondeur.
Les modèles actuels font dépendre l’épaisseur de la croûte solide de Titan de la teneur en ammoniac de son océan enfouit: plus la teneur en NH3 est élevée et plus la croûte solide est fine (de 125 km pour 5% NH3 à 67 km pour 15% de NH3 – Grasset et al, 2000)
Premières informations obtenues depuis la Terre
Des études de réflectométrie radar ont permis de se faire une idée de la surface de ce satellite dès la fin des années 80, et montrèrent qu’il existait au moins une région particulièrement élevée, un “continent” sur Titan.
Les toutes premières informations précises sur la surface de Titan ont été obtenues par spectroscopie : Griffith et son équipe (Griffith & al, 1991), utilisant l’IRTF à Hawaii, ont mesuré la “courbe de lumière” de Titan, montrant que son albédo géométrique n’était pas uniforme au niveau de la “fenêtre” du méthane (2 µm), ce qui s’opposait à l’existence d’un océan global à la surface. Puis l’analyse d’échos radars du VLA (Muhleman & a,l 1995) a confirmé l’existence d’une surface solide et hétérogène.
Bien que ces observations aient été réalisées à une longueur d’onde pour laquelle l’atmosphère Titanienne devrait être transparente, sa composition hétérogène ainsi que ses mouvements ne permirent pas d’obtenir une vue claire de la surface, qui est restée énigmatique jusqu’à ce que des instruments puissants, terrestres ou en orbite (HST, ESO, VLT) entrent en activité, secondés par des techniques innovantes (optique adaptative). Les premières “vues” de la surface ont été obtenues en 1990 par le HST, puis en 2001 et 2002 par les télescopes géants Keck II et Gemini North.
Première carte de la surface de Titan, obtenue par l’équipe de P.H. Smith (HST team – cf références) à partir de 14 séances d’observations au moyen de la caméra planétaire à grand champ (instrument WFPC2) du télescope spatial Hubble
Il ressortait de ces travaux que le sol de Titan semblait se partager entre des “continents” de glace d’eau ou de CO2, et des océans de méthane et d’éthane enrichis de composés organiques formant une “soupe carbonée” contenant tous les éléments nécessaires à l’apparition de la vie, mais à trop basse température.
Les régions les plus sombres des images du HST étaient interprétées comme étant les “mers” de Titan, a moins que la surface soit très poreuse, fortement cratérisée, et que les fluides y soient enfouis ou forment des lacs emplissant les cratères d’impact les plus marqués. L’incertitude était grande, car l’analyse des occultations des signaux de la sonde voyager, (Mc Kay & al, 1997), donnait une teneur en méthane liquide à la surface de Titan comprise, selon les hypothèses retenues pour la composition de la troposphère, entre 8 et 85 % …
La mission Cassini, à partir de 2005, a révolutionné notre connaissance du satellite en donnant accès aux spécificités de sa surface, qui présente nombre de caractères uniques dans le système solaire.
Étude in situ de la surface
La surface de Titan montre une grande variété de terrains se répartissant entre des régions claires et sombres. Les cratères d’impact y sont rares, contrairement aux marques d’érosion qui indiquent clairement l’existence d’écoulements liquides périodiques à sa surface.
Vue prise à quelques centaines de m d’altitude par Huygens; montrant le réseau de drainage des terrains hauts et clairs auprès desquels la sonde s’est posée. Photo JPL/ESA/NASA
Des vallées et tout un réseau “méthanographique” ont ainsi pu être mis en évidence, correspondant à l’existence d’un “cycle du méthane” analogue au cycle de l’eau terrestre. De grandes étendues liquides ont été également identifiées dans les régions polaires Sud, mais il est possible que leur localisation soit temporaire et liée à l’évolution du climat de Titan au cours de ses saisons. D’autres reliefs laissent penser qu’il existe sur le satellite un certain type de volcanisme (cryovolcanisme). Conjuguée à la présence de grandes failles et de marques encore difficilement interprétables, la morphologie du sol tend à valider l’existence d’une couche interne plus chaude et plastique, comportant de l’eau mélangée à diverses substances azotées et organiques.
Les terrains cratérisés.
Les survols de Cassini ont permis de cartographier des terrains comportant de grands cratères. D’après les travaux de Lunine & al, de l’université de l’Arizona, présenté au dernier congrès de l’IPSC, la présence d’un océan d’eau ammoniaquée a quelques kilomètres (70 environ d’après Tobie & al., 2005, qui se basent sur l’étude de l’évolution de l’orbite de Titan) sous la surface du satellite limite la taille maximale des cratères formés, alors que l’atmosphère impose une limite inférieure à leur taille: si Titan a toujours possédé une atmosphère d’une épaisseur comparable à celle dont il est actuellement doté, il a été protégé des impacteurs d’une taille inférieure à 2 km, et les cratères présents à sa surface devraient alors avoir une taille minimale voisine de 20 km.
Les matériaux profonds, mous, dénudés par les impacts majeurs ont tendance à remonter après l’impact, emplissant le cratère de liquide finissant par se solidifier et détruisant ainsi ses reliefs caractéristiques. Pour cette raison, les cratères de plus de 500 km de diamètre, creusés par des corps d’un diamètre supérieur à 25 km, ont du être fortement modifiés immédiatement après leur formation, avant même que les reliefs restants soient soumis à l’érosion atmosphérique.
La disparition des anciens cratères est due à une érosion éolienne, pluviale ou à des processus volcaniques accompagnés de dépôts solides d’origine atmosphérique.
Les marques d’érosion
Les régions claires, probablement d’altitude légèrement plus élevée que les plaines sombres, possèdent un relief tourmenté. De nombreuses vues prises par Cassini montrent des traces d’érosion, des chenaux, des vallées, mais également, sur ces terrains, des déformations en forme de stries, avec un bord ovalisé, formé par une contrainte s’exerçant à 45° et orienté de la même façon sur de larges surfaces du satellite. Ces régions brillantes se trouvent communément entaillées par plusieurs réseaux de drainage et s’achèvent au niveau de baies d’une morphologie analogue à celle d’un littoral terrestre.

De nombreux sites ressemblent à des champs de dunes à la morphologie particulière, dite en “griffures de chat” (cat scratches), composées probablement de glace ou de particules riches en matière carbonée (où d’un mélange des deux). Il est possible que ces dunes aient été formées par l’action du vent sur des étendues liquides qui ont rapidement gelé.
Les nombreux chenaux découverts comportent de nombreux affluents, et rappellent les réseaux d’écoulement qui se forment sur Terre suite aux précipitations. On identifie aussi de nombreux canyons, des canaux d’écoulement non ramifiés et des vallées.
Toutefois, les reliefs sur Titan sont de quelques centaines de m: ce satellite est un monde de faibles dénivellations, un monde “plat” de petites collines, dont l’altitude varie de 100 m (pente de 3 à 5° seulement) à 250 m (pente de 7°).
Les régions sombres, lisses, pourraient correspondre à un dépôt de matière organique d’origine atmosphérique, et ces matériaux sombres seraient entrainés par des pluies de méthane qui en éroderaient la surface. Ce mélange se déposerait ensuite dans les terrains clairs. Les zones sombres se comportent en réflecteurs RADAR comme des hydrocarbures gelés. Les terrains sombres pourraient donc correspondre à des étendues qui ont été liquides dans un passé récent.
Lacs et mers d’hydrocarbures
Le survol du 22 juillet 2006 a permis d’identifier un ensemble de 75 structures interprétées comme étant des lacs, les premières étendues liquides observées dans le système solaire en dehors de la Terre, s’étendant dans la région polaire N, vers 80° de latitude (article de Nature). Ces lacs partagent les caractéristiques suivantes:
– surface identifiée lisse, très probablement liquide (des poussières ou des flocons présenteraient des rides)
– dimensions de 3 à 70 km de large, certains lacs étant alimentés par des réseaux “hydrographiques”
– quelques lacs asséchés, d’autres présentant des rives laissant penser qu’ils n’ont jamais été complètement remplis.
– 15 lacs ressemblent à ceux qui se sont formés, sur Terre, dans des bassins d’impacts ou des caldeiras. L’origine volcanique des dépressions qu’ils occupent est privilégiée par l’équipe de chercheurs. Quelques lacs ont l’aspect de vallées inondées.
– quelques points brillants dans les lacs correspondraient à des îles.
La présence de ces lacs dans l’hémisphère N de Titan laisse penser qu’il existe un cycle saisonnier, les lacs de l’hémisphère en “été” s’évaporant pour retomber en pluie dans l’autre hémisphère, ou se forment alors de nouveaux réseaux “méthanographiques”. Il est aussi possible que les lacs se remplissent par en dessous, communiquant avec des nappes profondes et plus étendues d’hydrocarbures.
D’autres survols ont montré dans les hautes latitudes N de Titan , outre des centaines de petits lacs, des étendues très sombres suffisamment grandes, surtout par rapport à la taille du satellite, pour être bel et bien interprétées et qualifiées comme étant des Mers probablement remplies d’un mélange de méthane et d’éthane.
L’une de ces mers ( les topographes ont décidé, apparemment, de nommer « mers » les lacs de surface supérieure à 26000 Km2) mesure plus de 100000 km2, soit la taille des Grands Lacs de l’Amérique du N.
Restons toutefois prudent : il n’existe pas de preuves directes que ces étendues sombres soient emplies de liquide, c’est leur réflectivité et leur apparence RADAR qui indiquent qu’il s’agit d’étendues plates (comme la surface d’un liquide), ainsi que les données topographiques disponibles (un réseau “hydrographique” diversifié se jette dans ces mers). Toutefois, les instruments de la sonde Cassini ont observés le 8 Juillet 2009 les premières lueurs du soleil levant se reflétant sur la surface glaciale d’un lac de Titan. L’équinoxe approchant (il a eu lieu en août 2009), l’hémisphère N de Titan resté dans l’obscurité ces 15 dernières années commence à recevoir davantage de rayons solaires.
Le lieu de la réflexion observée se situe à 71° de latitude N et 337° de Longitude, correspondant à la ligne de cote du lac «Kraken», vaste étendue d’hydrocarbures de 400000 Km2
Ces étendues laissent penser que le méthane atmosphérique est bien généré par l’évaporation des liqui
des de la surface, selon un cycle analogue à celui de l’eau sur Terre.

Lors de son 31e survol de Titan, le 12 mai 2007, Cassini a obtenu des images qui renforcent la probabilité de l’existence d’une mer (dite Caspienne par les spécialistes du JPL, à cause de sa taille voisine de cette mer Terrestre – photo fausses couleurs ci-contre) au voisinage du pôle N du satellite. Sa surface “liquide” apparaît très sombre au radar. On n’y observe pas, contrairement aux “lacs” déjà imagés, la présence de zones très brillantes à proximité, ce qui signifierait que la profondeur de cette mer serait de plusieurs m.
Le survol des régions polaires S (où c’est l’été) a ensuite permis d’y identifier trois formations ressemblantes à des lacs, mais de taille inférieure à ceux du N, au alentour de 70° de latitude S. Cette région montre aussi des dépressions pouvant être interprétées comme étant des traces de lacs asséchés.
Il est possible que les lacs se soient formés soit dans des zones effondrées suite à une activité volcanique, soit par érosion de la surface (lac karstique). Plusieurs lacs montrent des lignes pouvant correspondre à des rivages successifs, ce qui signifie que leur remplissage est variable et dépend d’un véritable cycle des hydrocarbures analogue au cycle de l’eau terrestre. 400 formations de type lacustre ont été observées, leur taille étant extrêmement variable. L‘hémisphère S de Titan étant à l’époque en fin d’été, ces observations confirmeraient l’existence d’un cycle interpolaire du méthane, les lacs s’évaporant en été dans la région d’un pôle pour se remplir au niveau de l’autre pôle, où les conditions climatiques sont celles de la saison opposée.
L’observation de l’évolution du climat du satellite au fur et à mesure de l’avancement de l’année saturnienne permet d’espérer la formation d’étendues liquides plus grandes que celles observées jusqu’à présent, à savoir des lacs confinés dans les régions polaires.
En Aout 2009, Titan était en situation d’équinoxe (avec un rayonnement tombant perpendiculairement à l’équateur), situation qui a permis de préciser les modalités de la circulation atmosphérique du satellite (West & al., 2011). Un changement très important de la structure verticale des brumes photochimiques de l’atmosphère, avec un abaissement de la couche de brume de 500 à 380 km d’altitude entre 2007 et 2010, a ainsi été noté. Cette couche permet d’étudier la circulation méridionale stratosphérique de l’atmosphère.
Il apparaît aussi que la surface de Titan répond beaucoup plus rapidement aux variations de rayonnement que ne le fait son épaisse atmosphère (Turtel & al., 2011). Ce différentiel dans les temps de réponse rapproche davantage le comportement des régions équatoriales de Titan de ce que l’on peut observer sur Terre au niveau de l’atmosphère tropicale au dessus des océans.
Les changements de la circulation atmosphérique ont aboutit à l’accumulation de nuages d’hydrocarbures dans les régions équatoriales de Titan, comme le montre le cliché ci contre (tempête en forme de flèche le 27 sep
tembre 2010 soit, dans l’année Titan au «début avril» – cliché JPL). Le mois suivant, une large bande de nuages s’est accumulée sur les régions équatoriales.
Ces nuages sont à l’origine de pluies diluviennes d’hydrocarbures (un déluge titan-esque!) qui remplissent les dépressions équatoriales identifiées précédemment, et dont on ne savait pas si elles étaient d’origine récente, et liées à un «cycle du méthane» actif, où si elles résultaient d’un climat passé différent de celui qui peut être actuellement observé (ce qui semblait possible au vu de la grande quantité de dunes présentes dans les régions équatoriales, et identifiées comme étant la marque d’un climat sec). Ces régions désertiques sont donc en train de devenir humides, mais pour combien de temps ?
Les changements survenus avec l’arrivée du printemps dans l’Hémisphère N de Titan montrent comment, en seulement deux semaines, une région aride de dunes se trouve probablement submergée et devient le fond d’un lac d’hydrocarbure: une surface d’un demi-million de km2 située le long de la bordure sud du champ de dunes Belet a changée de «couleur» (ou plus exactement ne réfléchit plus les rayonnements radars de la même façon). La comparaison des informations données par d’autres instruments laisse entendre que ce changement est causé par des pluies d’hydrocarbures emplissant les dépressions de la surface (ou humidifiant profondément celle-ci au point de modifier sa réflectivité).
Les hydrocarbures qui précipitent proviendraient de l’évaporation des lacs réchauffés aux hautes latitudes. Ainsi, l’hémisphère S de Titan, en «été» jusqu’en 2009, a t’il été le lieu de formation de nuages qui ne seraient présents au niveau des tropiques du satellite que pendant les périodes d’équinoxe, et se dirigerait vers les plus hautes latitudes lorsque les solstices approchent (actuellement c’est le printemps – qui va durer 7 ans! – dans l’hémisphère N de Titan, qui s’achemine donc vers l’été).
Ces changements sont visibles sur ces clichés (JPL) de la région équatoriale Adiri (situées à seulement 7° de latitude S), même si aucun nuage n’y est apparent (images prises dans le proche IR). Les terrains noirs au nord sont justement les dunes de Belet, dont la frontière sud est ici remplie de méthane et transformées en lac.
A: 22 Octobre 2007, en début de mission, soit pendant l‘hiver de l’hémisphère N.
B : 25 Septembre 2010, juste avant l’arrivée du nuage en forme de flèche vu précédemment, situé ici à gauche, hors champs.
C: Le 14 Octobre, l’aspect de la région (sa réflectivité) a entièrement changé. Le 29 Octobre (D), le terrain apparaît toujours inondé alors que quelques mois plus tard (E, 15 janvier 2011) il semble s’être à nouveau asséché.
Il existe donc bien sur Titan un ensemble de précipitations conduisant à des changements rapides de la géographie et de la morphologie de la surface. Ces modifications impliquent une variation saisonnière importante des conditions physico-chimiques à la surface du satellite.
Les possibles structures volcaniques.
La détection atmosphérique de 40Ar, gaz provenant de la désintégration du 40K radioactif incorporé dans les profondeurs de Titan lors de la formation du satellite, confirme l’existence d’un mécanisme amenant à la surface des matériaux profonds: un volcanisme (cryovolcanisme) local est très probable. De fait, 2 édifices volcaniques ont probablement déjà été identifiés. L’existence de cette activité radio-active interne implique que l’intérieur du satellite soit bien plus chaud que sa surface.

Par 5°N et 87 W, une structure circulaire nommée Ganesa Macula pourrait être d’origine volcanique, avec une depression centrale ressemblant à un cratère, d’où une coulée claire est visible alors que d’autres, moins développées ou plus anciennes, possèdent une orientation différente. L’ensemble de la région apparait circulaire (peut et plus sombre que les terrains environnants.
Aspect à diverses longueurs d’onde du relief volcanique Ganesa – infographie JPL/NASA. L’éclairage vient de la gauche selon un angle de 34°.
Par 8,5 ° N et -143,5 °, un second édifice volcanique de 30 km de diamètre est édifié sur un terrain sombre montrant de nombreuses fractures orientées, pour la plupart, E-W. Les nombreuses failles et vallées, profondes de quelques centaines de m, seraient peu abruptes (pente de 10° environ – Sotin & al., 2005).
La morphologie du volcan est voisine de ceux observés sur Terre ou sur Venus. Détaillé dans de multiples longueurs d’onde, il montre une caldeira sombre et plusieurs coulées claires, superposées, probablement constituées d’un mélange solidifié de glaces, d’ammoniac et d’hydrocarbures (il n’y a pas, à ce niveau de glace d’eau pure selon l’examen des diverses absorptions IR).
Il se pourrait que ces éruptions déclenchent une libération de méthane gazeux dans l’atmosphère, lequel se condenserait ensuite sous forme de pluies aboutissant aux reliefs érodés identifiés sur le satellite. Dans ce cas, les éruptions ne devraient pas être rares, et la question de leur source d’énergie se pose: s’agit-il uniquement d’un chauffage de l’intérieur de Titan par les forces de marées (comme Io avec Jupiter) où existe t’il d’autres sources de chaleur dans les profondeurs du satellite ?
Le Pr. C. Sotin, de l’université de Nantes, présente dans Nature (Planetary science: Shades of Titan – Sotin C. et al. Nature, 435. 786 – 789, 2005) cette structure comme ” un dôme formé par des remontées de diapir de glace “chaude” (plus chaude que les terrains alentours! un “point chaud” a peut être été repéré, mais sa température est au maximum de l’ordre de -70 °C!) relâchant du méthane à une faible profondeur dans le sol. Ce gaz parvient ensuite dans l’atmosphère de Titan.
La surface de Titan, jeune et dépourvue d’océans de méthane, aurait été remodelée par de fréquentes éruptions de ce type, qui tirent leur énergie des déformations subies par l’intérieur de Titan du fait des forces de marées s’exerçant sur lui au cours de son orbite (Tobie & al., 2005). Toutefois, les observations réalisées de puis la Terre par l’équipe de HG Roe (2005) n’ont pas montré, à cet endroit, l’apparition des nuages de méthanes attendus lors d’une activité volcanique. Le cryovolcan serait donc en sommeil…
L’ensemble de ce terrain correspondrait à une zone d’extension comme il en a déjà été observé sur des satellites glacés de Jupiter (Ganymède, Europe). Titan serait donc, comme Io, un corps “géologiquement” très actif. Les données collectées pendant les derniers survols donnent des indices supplémentaires de l’activité de cryovolcans qui éjecteraient à la surface un mélange d’eau, d’ammoniac et de méthane.
Alors que des brumes suspectes et les structures géologiques identifiées augmentaient la probabilité de découvrir des volcans actifs sur le sol de Titan, la mise en évidence de changements de la réflectivité de la surface, entre deux survols, dans deux régions où ce volcanisme est suspecté, laisse entendre que les cryovolcans libéreraient des coulées composées d’ammoniac gelé, molécule provenant des profondeurs du satellite.
Toutefois, il existe d’autres interprétations des brillantes structures découvertes qui ne font pas appel au volcanisme: simple brouillard d’hydrocarbures formé de façon transitoire ou figures d’écoulement résultant de débris glaciaires lubrifiés par des pluies de méthane et s’écoulant le long des pentes comme des coulées de boue.
Les régions polaires
Les observations de Cassini mettent en évidence à leur niveau plusieurs reliefs ayant pour origine:
– un drainage par un liquide, creusant des vallées
– des cassures de la surface qui peuvent s’interpréter comme étant des failles, résultant d’une activité tectonique. Cette activité implique la formation d’un fluide chaud, soit un magma rocheux ancien (ou dont la formation est entretenue par malaxage gravitationnel); soit un mélange aqueux surgissant périodiquement à la surface à l’occasion d’éruptions “hydrovolcaniques”, ce qui implique également l’existence de « points chauds » à l’intérieur du satellite.
– des lacs d’hydrocarbure, moins nombreux toutefois autour du pôle S que dans les régions polaires dont ils recouvrent 14 % de la surface cartographiée (60 % du total au dessus de 60°N). Actuellement, le pôle N de Titan est plongé dans un hiver qui durera 7,5 années terrestres, et des chercheurs supposent que cette saison s’accompagne de pluies d’éthane et de méthane remplissant les lacs et les mers (ou élevant transitoirement leur niveau) et creusant un réseau « hydrographique » déjà évident sur les différentes vues. Il n’est pas exclu de découvrir près des pôles des lacs d’azote liquide, la température d’ébullition de ce dernier n’étant que de très peu inférieure, à 1,5 bar, aux – 180 °C moyens du sol.
Huygens sur Titan
La sonde Huygens a touché le sol du satellite le 14 janvier 2005 et a fonctionné 2 h (au lieu des 30 min espérées, mais seule une heure de données à pu être relayée par Cassini).
La descente a été plus facile que prévu, la sonde ne mesurant, à basse altitude, que des vents de quelques dizaines de km/h au lieu des tempêtes redoutées.
Région où la sonde Huygens s’est posée, mettant en évidence le contraste entre les régions claires ravinées; en haut; et les plaines sombres, véritables sorbets d’hydrocarbures et de glace. Photo JPL/NASA.
Les résultats préliminaires indiquent une concentration en méthane croissant vers la surface, excluant donc un enrichissement récent de l’atmosphère par un corps exogène de type cométaire. La température au sol est voisine de – 180 °C.
La surface apparait plus fortement érodée que prévu. Pas de cratères clairement visibles, mais quelques morceaux de structures circulaires partielles. Cette érosion indique bien que l’atmosphère de Titan est d’origine ancienne et ne correspond pas, comme certains en avaient fait l’hypothèse, à une structure transitoire récente.
La photo au sol (ESA/NASA) ressemble fortement à celles de la surface vénusienne obtenue par les sondes Venera. Elle montre bien des “roches” où de la glace très nettement érodée (soit grossièrement sphériques, soit plates) avec des parties sombres et d’autres claires. Selon la vitesse des vents, on devrait avoir sans doute une érosion éolienne se superposant à l’influence de “pluies” périodiques ou d’un courant fluide recouvrant, dans le passé ou actuellement, de temps à autre, ces roches.
La vue a été prise d’une zone sombre de Titan, une “mer”. Le pénétrateur de la sonde s’est enfoncé d’une quinzaine de cm dans un sol spongieux, mais ferme.
L’atmosphère est limpide au sol, avec une ligne d’horizon bien nette montrant des terrains surélevés. Les roches visibles (des glaçons) ont une dimension de l’ordre de la dizaine de cm.
Intérêt exobiologique
Il semble que la surface de Titan, malgré sa probable collection de molécules organiques, ne soit pas favorable à la vie. Pourtant, même en négligeant la possibilité que des formes de vie radicalement différentes de la nôtre (qui ne seraient donc pas, par exemple, basées sur l’eau liquide, mais sur le méthane) s’y soient développées, il reste une possibilité pour qu’une activité bactérienne subsiste sur ce Satellite.
Certains biochimistes (Raulin, 1987; Raulin & al., 1995) ont suggéré qu’une vie chimiquement différente de la nôtre ait pu se développer à partir du NH, ce dernier jouant le rôle de O dans nos molécules organiques terrestres. Cette vie “ammoniaquée”, pour spéculative qu’elle demeure, offre une voie intéressante à la recherche. Tobias Owen, de l’université d’Hawaii, penche plutôt en faveur d’une vie basée sur des molécules complètement distinctes de celles utilisées sur Terre. Il propose l’existence de “super-enzymes” accélérant les réactions chimiques par grand froid , et considère plus généralement que “Nous sommes fous de rechercher une vie de type terrestre sur d’autres planètes” (we would be foolish to look for life like Earth’s on other planets” – New scientist 23/10/2004, p.45).
Il est probable que dans son histoire Titan a été plus chaud, et qu’une vie primitive a pu y apparaitre. Elle pourrait se maintenir dans l’épaisseur du satellite, dans les roches qui le composent. Peut être cette vie bactérienne a t’elle disparue, peut être est elle parvenue à s’adapter en survivant dans des zones chaudes, dans l’épaisseur de la croûte de Titan, réchauffée par les forces de marées exercées à la fois par le soleil et surtout par Saturne. Un indice de leur présence serait la production continue et mystérieuse de méthane dans l’atmosphère. Cette production est peut-être due à l’évaporation continue de lacs d’hydrocarbures, mais alors qu’est-ce qui régénère ces lacs? La question reste ouverte, d’autant plus que ces étendues ne semblent pas suffisantes pour expliquer le nécessaire renouvellement atmosphérique (Coustenis & al. 1995). On connaît sur Terre des écosystèmes complets basés sur le méthane, et fonctionnant à faible température. Ainsi, des bactéries chimiolithotrophes anaérobies utilisant le méthane vivent en symbiose avec certains vers tel Hesiocaeca Methanolica dans les gisements sous marins d’hydrates de méthane (à des températures voisines de 0°C et sous forte pression, entre 500 et 800 m de profondeur (Suess & al., 1999).
Mac Kay et Smith, chercheurs de la NASA, ont calculé (Icarus 178, 274, 2005) que l’énergie libérée par les réactions entre les molécules organiques de Titan et l’hydrogène pouvait subvenir aux besoins du métabolisme de bactéries terrestres comme les méthanogènes. Toutefois, on doit souligner que le méthane liquide n’étant pas un solvant pour ces molécules, les éventuels micro-organismes Titaniens devraient se situer à la surface des éventuels lacs de méthane (ou, plus probablement, à la surface des globules organiques mêlés de méthane constituant certains terrains Titaniens). Ces archaebacteries réduisent CO ou CO2 en méthane. Leurs donneurs d’électrons sont l’hydrogène où des molécules organiques simples comme des alcools. Le calcul montre (Fortes, 1999) que le taux de production microbien de méthane est suffisant pour expliquer la production constatée dans l’atmosphère de Titan, pour peu qu’un mécanisme de transport efficace (volcanisme?) lui permette de regagner la surface… Des communautés bactériennes anaérobies ont aussi été identifiées dans des sources chaudes sous-terraines (Chapelle & al., 2002) qui tirent leur énergie de l’oxydation de l’hydrogène et produisent du méthane selon la réaction:
CO2 + 4H2 —> CH4 + 2H2O + énergie
Le fait de trouver ces bactéries méthanogènes dans des sources chaudes ne signifie pas qu’elles ne puissent vivre à l’origine dans un environnement plus froid, mais que seule cette niche écologique bien particulière les protège, sur Terre, de la concurrence des bactéries plus “classiques”. Comme la décomposition du méthane génère de l’hydrogène, on peut inférer la possibilité que le niveau de base de la “biosphère” titanienne soit constitué de bactéries méthanogènes. Le méthane serait ensuite métabolisé par d’autres bactéries. Certaines d’entre elles pourraient même extraire leurs nutriments de la tholine: Carol Stocker, une scientifique des laboratoires Ames, affiliés à la NASA, a montré (Stoker & al., 1990) qu’ une large variété de bactéries (aérobies facultatives ou anaérobies) communes dans nos sols terrestres (certains Clostridium, Pseudomonas, Bacillus, Acinetobacter, Paracoccus, Alcaligenes, Micrococcus, Corynebacterium, Aerobacter, Arthrobacter, Flavobacterium, Actinomyces) pouvait utiliser la tholine comme source de carbone. Cette métabolisation concerne, selon les cas, les fractions solides, hydrophiles ou hydrophobes de ce mélange. Cependant, ces expériences n’ont pas été menées à – 180 °C.
Une autre possibilité a été soulignée par Simakov (1999): des bactéries denitrificantes anaérobies pourraient être à l’origine de l’azote de Titan, ce dernier devant être considéré comme un biomarqueur. Le métabolisme de ces bactéries consomme des ions nitrates NO3- et rejette du N2. Cette production pourrait également se faire à partir de l’ammonium NH4+ qui doit être présent dans les profondeurs du satellite.
Dans l’état actuel de nos connaissances, la probabilité d’une vie bactérienne sur Titan dépend fortement de l’existence d’un océan enfoui nanti de “points chauds” dans les profondeurs du satellite. En effet, certains modèles font état de l’existence d’un possible océan souterrain, situé à 30 km sous la surface et profond de 200 km, et composé principalement d’une solution d’ammoniac dans de l’eau (Grasset, 1996; Fortes, 1999). Cet océan pourrait-il abriter la vie? Au vu de l’histoire du satellite et en se basant sur les capacités des bactéries terrestres, la réponse est affirmative. Fortes a effectué une revue des caractéristiques supposées de cet océan englouti et résume ses conclusions ainsi “L’océan primordial d’eau ammoniaquée de Titan est un milieu convenant probablement au développement d’une vie primitive dans l’histoire du satellite. Si cet océan existe encore, il y a une possibilité pour que cette vie subsiste encore. Les conditions régnant dans cet océan, quoiqu’extrêmes par rapport aux standards terrestres au niveau de la pression et de la température, ne sont pas si drastiques qu’elles s’opposent à la survie de micro-organismes. (Titan’s proposed primitive ammonia-water ocean was probably a suitable habitat for the development of life early in the satellite’s history. If this ocean is still present then there is a possibility that life can continue to survive. Conditions in the ocean, while extreme by terrestrial standards in respect of pressure and temperature, do not appear to be so extreme as to preclude the survival of microbial organisms).
Une vie d’origine Terrestre ?
On ne peut négliger également une possible contamination de Titan par des micro-organismes d’origine terrestre: chaque impact météoritique majeur éjecte dans l’espace une importante quantité de matériaux rocheux terrestres, de taille variée, comportant des bactéries potentiellement capables de résister aux conditions d’un voyage interplanétaire.
Ainsi, une trentaine de météorites d’origine terrestre peuvent atteindre Titan en quelques millions d’années (Gladman & al., 2006), et ce à chaque impact majeur (ou moins une dizaine d’après les traces observables sur notre planète). De plus, Titan présente l’avantage de posséder son atmosphère, qui diminue fortement la vitesse de chute des météorites et permet ainsi une conservation des bactéries panspermiques. Toutefois, la basse température de la surface condamne sans doute ces éventuelles bactéries à demeurer “congelées” dans leur “taxi” de roche, enfouies dans les glaces de Titan. Si on ne peut écarter la possibilité qu’une source de chaleur endogène réactive ces bactéries, cette possibilité est tout de même peu probable.
D’autres satellites peuvent être aussi contaminés par des échantillons terrestres: chaque satellite de Jupiter reçoit ainsi une centaine d’impacts de roches terrestres provenant d’impacts majeurs sur notre planète, mais leur absence d’atmosphère implique un choc très violent (25 km/s en moyenne) susceptible de vaporiser la roche voyageuse et toutes les bactéries qu’elle peut contenir.
A titre personnel, je tiens à souligner que le nombre de météorites contaminées terrestres qui atteignent l’atmosphère de Jupiter est sans doute bien supérieur, impliquant l’existence d’une possible activité biologique dans l’atmosphère de cette planète, hypothèse qui n’a jamais été investiguée.
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HST-Team: Pr. Smith PH & Lemmon M, étudiant en thèse, University of Arizona Lunar and Planetary Laboratory; Caldwell J, York University, Canada; Sromovsky L, University of Wisconsin; Allison M, Goddard Institute for Space Studies, New York City.
ESO team : Markus Hartung (ESO-Chile), Laird M. Close (Steward Observatory, University of Arizona, Tucson, USA), Rainer Lenzen, Tom M. Herbst and Wolfgang Brandner (Max-Planck Institut for Astronomie, Heidelberg, Germany), Eric Nielsen and Beth Biller (Steward Observatory, University of Arizona, Tucson, USA), and Olivier Marco and Chris Lidman (ESO-Chile).